Philippe Carrese présente : Cassos avec Simon Astier et Didier Bénureau
En toute simplicité, nous allons aujourd’hui parler de Cassos. Réalisé par le Philippe Carrese, Cassos est un long-métrage atypique ; tourné en 12 jours seulement, exclusivement de nuit, il met en scène Simon Astier et Didier Bénureau aux côtés d’Agnès Soral, Patrick Bosso, Marie Kremer ou encore Feodor Atkine. Simon Astier incarne un truand, Didier Bénureau lui donne la réplique sous les traits d’un assureur de province dominé par une femme autoritaire qu’il décide d’éliminer ; la rencontre laisse des traces, le truand décidant d’initier l’apprenti tueur aux joies de la délinquance.
À la lecture de ce pitch vous aurez unanimement conclu qu’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours (j’entends des « c’est pas faux » au fond de la salle, attention) est inutile pour confirmer que je ne sais pas résumer un film ; voici donc le résumé officiel de l’histoire, la première bande-annonce, et plus intéressant encore : les réponses de Philippe Carrese lui-même à nos questions concernant son long-métrage.
Résumé :
Marc, un assureur de province, médiocre et psychorigide, rentre en contact avec le Milieu pour faire éliminer sa femme, insupportable matrone castratrice. Chauffeur occasionnel et improbable sur le casse minable d’une bijouterie, Marc est pris en pitié par Toulouse, truand de seconde zone qui, plus par mépris que par compassion, va lui montrer les ficelles du métier à travers plusieurs expériences sur le terrain. Pour Marc, cette série de rencontres et de péripéties s’avère être une révélation. Ce voyage initiatique nocturne lui permettra d’appréhender son potentiel de tueur… toujours psychorigide et médiocre, mais en plus, à présent, dangereux !
Philippe Carrese a accepté de répondre à quelques questions, apportant des réponses fort précises et détaillées qui vous donneront, on l’espère, envie de découvrir ce film.
On En A Gros! : D’où vous est venue l’idée d’un long-métrage comme Cassos ? Des inspirations particulières ?
Philippe Carrese : Il y a toujours plusieurs éléments d’inspiration quand je me lance dans un roman ou dans un scenario. Pour Cassos, il y avait d’abord un vieux projet fou qui date d’il y a vingt ans, l’idée de tourner en temps réel “Marseille Shanghai”, un plan séquence interminable sur deux types dans une bagnole qui partent de Marseille pour la Chine, mais qui tombent en panne à Brignoles… et donc le film durait une heure et demi ; un projet stupide mais rigolo. Puis il y a eu un téléfilm (les filles du désert, pour Telfrance et France 3) en octobre 2009, au Maroc, où je suis arrivé à tourner une fiction dans le désert avec quatre comédiennes en 17 jours de tournage. J’en suis revenu avec une envie de tourner un truc dans l’urgence, en utilisant un peu les mêmes méthodes (un film hyper-préparé, avec une technique assez légère, et mon savoir-faire de réalisateur tout terrain). Il y a eu aussi une Xème rediffusion de “l’emmerdeur” à la télé, avec le couple impayable « truand énervé-crétin au bon cœur ». J’ai imaginé le contraire. J’ai développé cette idée de deux gars dans une voiture en développant le concept de transfert de personnalités entre eux, le truand n’étant plus énervé mais pédagogue, et le crétin ne l’étant pas tant que ça (crétin…). J’ai écrit le scenario assez rapidement, et nous avons monté la production avec Thierry Aflalou, mon producteur depuis dix ans (Malaterra, Liberata, L’Arche de Babel). Pas facilement d’ailleurs, parce qu’aujourd’hui faire dans la comédie acide, l’humour décalé et l’amoralité est assez mal vécu par l’élite intellectuelle qui nous chapeaute.
OEAG : Vous êtes également écrivain, Cassos ferait-il un bon roman ? Plus généralement, lorsqu’une idée d’histoire vous vient, le format est clairement défini (film, série, livre) ou est-ce une question de développement, de moyens ?
PC : Je ne sais pas si Cassos ferait un bon roman. Lorsque j’écris un scenario, c’est vraiment dans l’optique d’en tirer des images et du son et de raconter cette histoire précise avec ces ingrédients. Je suis dans cette logique là. Lorsque j’écris un roman, la démarche est vraiment différente, le point de vue est diffèrent, et c’est aussi l’appropriation de l’histoire par un narrateur qui a du recul et du second degré par rapport à ce qui lui arrive qui fait le style et l’efficacité du roman. Sans doute “Cassos” ferait un bon roman, mais je ne suis pas sur de pouvoir l’écrire après avoir fait le film. Pour moi, l’histoire de Cassos existe telle que les spectateurs vont pouvoir la découvrir. Le prochain roman sera sur un tout autre sujet. De plus, lorsque j’écris un scenario, je tiens compte dès l’écriture des conditions financières du tournage, alors que dans un roman, on peut se lâcher sans problème sur les effets et les cascades. Cassos a vraiment été écrit pour les conditions de tournage très économes que je savais qu’on pourrait réunir. Mais si on parle du style, c’est vrai que l’esprit de Cassos se rapproche énormément de l’humour de mes premiers romans noirs, parus chez Fleuve Noir.
OEAG : Comment s’est fait le choix des acteurs principaux, Simon Astier et Didier Bénureau ? J’ai aussi noté la présence de Marie Kremer qui comme Simon Astier est une jeune actrice (de talent !) encore peu connue du grand public… Quelles ont été leurs réactions éventuelles à la lecture du scénario ?
PC : Didier Benureau s’est imposé comme une évidence, et il a accepté immédiatement à la lecture du scenario. Thierry Aflalou et moi nous sommes posé la question du casting de son acolyte, et sommes arrivés vers Simon Astier assez logiquement. Son personnage correspondait à notre attente, mais aussi son univers, son humour, le décalage qu’il amène, et ses méthodes de travail aussi, nous sommes fans de Herocorp. La souplesse et la rapidité de notre tournage lui ont tout à fait convenu. Lui aussi a adhéré au scenario très vite. Les autres comédiens du film font déjà partie de notre famille. J’ai tourné avec Marie Kremer, Olivier Sitruk, Wojtek Psonjak, Patrick Bosso, Damien Jouillerot dans un téléfilm assez étonnant “L’arche de Babel”, en 2007, et depuis nous sommes tous restés très proches. Je connais Agnès Soral depuis pas mal de temps, et Feodor Atkine est aussi un intime de depuis le tournage de Liberata, en Corse, en 2005. Elodie Varlet, avec qui je travaille souvent sur la série PlusBelleLaVie, était parfaite pour jouer un clone jeune de la femme de Bénureau jouée par Agnès Soral. Tous les comédiens ont accepté dès la lecture du scenario, ils étaient tous emballés.
OEAG : Corolaire du choix des acteurs, écrivez-vous les rôles en ayant déjà en tête un ou plusieurs acteurs potentiels, ou vous fiez-vous à l’acteur final pour l’interprétation ?
PC : Tous les rôles “guests” ont été écrits précisément pour les comédiens qui les jouent, dès le départ : Agnès, Feodor, Damien, Marie, Olivier… C’est mon esprit “tribu”. Par contre, les deux rôles principaux ont été écrits dans l’optique de faire exister pour cette fiction originale deux personnages que tout oppose, et je ne me suis pas posé la question tout de suite de qui pourrait jouer ces rôles. Nous avons réfléchi au casting une fois que le scenario tenait bien la route. Et là, nous avons envisagé Simon et Didier. Pour ces castings comme pour les validations des scenarii définitifs, je travaille vraiment en collaboration étroite avec Thierry Aflalou, le producteur. C’est toujours agréable d’avoir un complice avec lequel les choses roulent.
OEAG : La réalisation a-t-elle posée des difficultés ? Un budget limité par exemple, des conditions de tournage atypiques, éventuelles anecdotes de tournage…
PC : Comme un long métrage d’une heure et demi à tout petit budget tourné en seulement douze nuits, en extérieur… Un truc un peu cinglé. Nous savions que nous ne pourrions réunir qu’un budget très faible, c’était un élément important pour garder une liberté de ton et de narration. J’ai donc imaginé tout le projet en fonction de ça. Le film est écrit autour de dix séquences entre 7 et 9 minutes, l’idée de base était de tourner une séquence par jour. Nous avons choisi de tourner tout le film de nuit simplement parce que la nuit ne se pose pas le problème des raccords lumières dus à la météo. Et nous avons choisi de tourner dans la petite ville de Berre l’Étang simplement parce que tout leur éclairage municipal est au mercure, blanc et fort, et que pour tourner dans les rues de cette petite ville de province qui correspondait au scenario, il suffisait de se poser et de tourner, en ne rééclairant quasiment pas. Nous avons également imaginé un espace de jeu (la voiture) organisé comme une bulle avec deux sources de prise de vue et un éclairage minimum, pour que les deux comédiens soient dans leur monde et puissent être dégagés du maximum de contraintes techniques. Nous avions deux véhicules identiques, un accroché en permanence à une camionnette traveling, et un autre pour les plans de passage. L’équipe était très réduite, composée de 20 personnes, une autre tribu fidèle, avec Serge Dell’Amico à l’image, Max Gavaudan au son et Véronique Laveysiere qui est ma première assistante depuis quatre ou cinq films. Il n’y a pas beaucoup d’anecdotes de tournage parce qu’on est allé tellement vite… Sinon qu’à la fin de la onzième nuit de tournage, on était tellement fatigués qu’on ne sait aperçu que le jour se levait parce que d’un seul coup, sur le moniteur de contrôle, le ciel était bleu. On était tellement concentré sur le tournage qu’on ne s’en était pas aperçu.
OEAG : Quelle part laissez-vous au hasard lors d’un tournage ? Vous accordez-vous une certaine marge pour l’improvisation ?
PC : Mon rêve est de tourner un film en partant d’une base écrite sommaire et de laisser aux comédiens et aux éléments imprévus une grande liberté, mais pour ça il faut du temps et donc des budgets conséquents. Pour Cassos, c’est exactement le contraire. Il a donc fallu aller au plus précis. Les dialogues étaient écrit à la virgule près, les situations et mon découpage prévus de manière très précise car nous n’avions pas le temps de nous poser des questions sur le tournage qui a duré douze nuits (un tournage normalement se déroule en six semaines minimum). Mais néanmoins, la configuration technique que nous avons imaginée pour ce tournage a laissé à Simon et à Didier une marge de manoeuvre sur des improvisations, que j’ai pu organiser une fois les prises prévues dans la boite. Le timing de tournage était très étudié, mais nous avons pu garder un peu de temps pour des impros. Et effectivement, dans le montage final de Cassos, il y a quelques moments qui sont de la pure improvisation.
OEAG : Vous êtes également musicien ; la musique d’un film vous vient-elle à l’écriture comme certains (Alexandre Astier, pour ne pas le citer) ou est-ce un travail que vous réservez exclusivement à la postprod ?
PC : Je suis effectivement musicien, j’ai composé de la musique de génériques et de téléfilms il y a pas mal de temps, mais c’est très compliqué pour moi de composer la musique de mes propres films. Sur mes films précédents, j’ai travaillé avec trois compositeurs (Olivier Stalla, Raphael Imbert, Philippe Troisi) qui sont des amis avec qui je joue, par ailleurs. En post-production, je donne toutes les indications sur ce que je veux, et l’apport d’autres musiciens que moi est essentiel pour ne pas être dans le pléonasme, parce que j’aurais tendance à raconter en musique la même chose que je raconte déjà en images. En général, le style de la musique du film se dessine dans ma tète au moment des prises de vue, dans l’ambiance du tournage. Sur Cassos, l’approche est différente. J’ai demandé à mon fils Bruno Carrese, qui est aussi musicien et ingé-son de travailler sur ses compositions originales, pour avoir une musique de sa génération, et pas une musique de vieux. Parce qu’on a beau s’en défendre, nous les vieux, on a quand même tendance à composer de la musique de vieux.
OEAG : Pour la postproduction justement, aviez-vous en tête des choix précis à mettre en œuvre, une esthétique particulière à donner au film ? Vos précédents long-métrages présentent par exemple une certaine de recherche sur la photographie…
PC : Le choix technique a été de tourner sans beaucoup d’apport de lumière. Tout le film se déroule de nuit, le choix esthétique sur la lumière découle de cette méthode de tournage. Sinon, je ne suis pas un adepte des mouvements de camera compliqué et des travellings interminables, j’aime bien les plans fixes où la caméra est juste placée au bon endroit. Cela dit, heureusement, parce que dans une bagnole, pour faire des plans à la grue, c’est pas le plus simple. On a beaucoup travaillé l’image en post-production numérique, on a rajouté des ciels bleu-nuit, des usines et des raffineries dans tous les plans larges, pour l’ambiance générale du film. On a aussi fait tous les coups de feu et le reste des effets en numérique, ce qui représente un gain de temps considérable au moment du tournage.
OEAG : Une ultime précision, sur Cassos ou autre chose ?
PC : Faire un film hors normes est toujours une aventure compliquée, mais l’expérience Cassos a vraiment été passionnante. Espérons que le public soit au rendez-vous.
Si par malheur tout cela ne vous avait pas donné envie d’aller voir ce film, voilà la bande-annonce et deux teasers supplémentaires, histoire de vous motiver. Ce sera le 13 juin 2012, ce serait dommage de rater ça !
Un grand merci à Julia Minguet pour son contact, et à Philippe Carrese pour sa disponibilité, ses réponses complètes, les photos du tournage et son humour !
Le projet paraît vraiment sympa, depuis le début. J’espère qu’il sera correctement distribué pour qu’il touche le maximum de monde. Les deux acteurs principaux me plaisent, le synopsis aussi, bref, y a tout pour faire un bon film.
Bravo pour l’interview !
Ça a l’air énorme !! x)