Interview d’Aurélien Portehaut par Christophe Chabert
Christophe Chabert, à qui l’on doit plusieurs interview d’Alexandre Astier mais aussi la réalisation des documentaires Aux sources de Kaamelott, a interrogé pour le magazine lyonnais Le petit bulletin Aurélien Portehaut (Gauvain) à propos de son one-man show.
Je vous laisse lire par vous même :
Petit bulletin : Quand tu as élaboré ce one man show, as-tu réfléchi avant décrire à ce que signifiait faire un one man show aujourdhui ? Est-ce que ça a inspiré la trame du spectacle ?
Aurélien Portehaut : Quand jai décidé de faire un one, je ne me suis pas posé cette question-là. Par contre, je savais ce que je ne voulais pas que ce soit ! Pas du stand up comme on en voit, à mon goût, un peu trop ; je ne dénigre pas car cest très dur à faire. Mais le truc genre, «bonsoir, je ne sais pas si vous avez remarqué, lautre jour », non ! Au début, je voulais créer un one avec un fil rouge, quelque chose qui tienne le spectacle de A à Z, mais je savais aussi que je voulais quil y ait des sketchs isolés. Jai commencé à écrire et mon idée de trame est devenue plus secondaireUne des particularités du spectacle, pourtant, cest de ne parler que du fait dêtre acteur !
Cest un sujet que je connais assez bien pour pouvoir me permettre de dire quelque chose dessus ! La seule chose que je voulais absolument faire dès le départ, cest louverture du spectacle : arriver sur scène sans être prêt. Si ça se passait vraiment, quest-ce que je ferais ? Comme acteur, jaime bien avoir un minimum de temps avant pour me chauffer. Donc jouons avec ça : je me prépare devant les gens !Tu te moques de certains codes du théâtre contemporain, mais dans un registre, le spectacle comique, qui en général sadresse à des gens qui ne vont pas voir ce théâtre-là. Cest un peu casse-cou, non ?
Je sais Mais je ne me suis pas posé la question avant. Effectivement, il y a un public de café-théâtre et un public de théâtre. Cest peut-être anti-commercial, je ne sais pas ! Je me rends compte que ces différents types de public existent, mais cest quelque chose qui me fait chier. Justement, pouvoir faire un truc que certaines personnes niraient pas forcément voir dans un théâtre classique, cest assez excitant.Mais tu pourrais rencontrer la même incompréhension dans lautre sens : un spectateur de théâtre te reprocherait les passages de pure comédie, le fait dinterpeller le spectateur
Jai envie daller jusquau bout de ça. Cest sûrement risqué commercialement : quand les programmateurs commenceront à connaître le spectacle, ils me diront peut-être quils nen veulent pas. Mais au moins jaurai proposé quelque chose de personnel.Contrairement aux comiques daujourdhui qui misent sur la tchatche, toi, tu es plutôt économe en mots. Certains sketchs relèvent même carrément du mime
Cest lié à mes influences. Un type qui me fait hurler de rire, cest Rowan Atkinson, et notamment le one man show quil avait créé avant de faire Mr Bean. Ses sketchs sont souvent très avares en paroles. Quand jécrivais, jai regardé dautres one man shows, et je me disais souvent «ça, je veux pas». Le seul qui me motivait, cétait celui-là. Jai toujours eu une affection particulière pour les gags visuels : Pierre Richard dans Les Compères qui arrive à se prendre deux fois de suite le même poteau dans la rue, jadore !Le passage sur Euripide est hilarant, et illustre assez bien cela : ce que tu racontes na aucune importance, cest juste du son vocal !
Exactement. Ce sketch, je lai écrit en trois jours, juste avant la première. Et jétais parti sur une idée inverse : un acteur sérieux qui vient faire une lecture très théâtrale. La veille, je me suis dit que ce personnage allait donner trop dimportance aux mots, et le spectateur allait avoir la tentation de suivre un minimum ce quil raconte. Et ce nétait pas ça que je voulais, je men fous dEuripide. Le soir de la première, jai donc décidé de changer ce personnage, et il est littéralement né devant les gens.On ne rit pas tout le temps pendant le spectacle, mais par contre on y repense après
Jaccepte cette critique-là, et même, elle me fait plaisir. Si les gens rentrent chez eux et y repensent, je trouve ça mieux que sils se sont marrés tout le temps mais quils oublient le lendemain les trois-quarts des vannes. Je préfère voir des gens qui ont le sourire pendant le spectacle plutôt que daccumuler les éclats de rire. Il faut quil reste quelque chose après.
Merci au forum des fans créatifs de Kaamelott pour cette trouvaille !